Grand Raid de la Réunion. Mascareignes

"Jérém' ! Je veux faire le Grand Raid de la Réunion pour mes 50 ans. Tu m’accompagnes ?" me demande mon frère à 02h00 du mat' en reprenant un Get27. Comme toute bonne proposition de fin de soirée, je m’enflamme et lui répond « OK, j’suis chaud !!! ».

3 mois plus tard, on décide de s’inscrire sur la Mascareignes (72 km – 3.880 D+) la plus petite des 4 courses du Grand Raid. Pour ne pas passer par les tirages aux sorts, on s’inscrit par Bourbon Voyage.

Le 16 octobre 2022 ; toute la famille (mon père, ma belle-mère, ma femme, ma belle-sœur, mon frère et moi) se retrouve à Roissy pour 2 semaines de vacances. Une semaine à la Réunion suivi d’une semaine à l’ile Maurice pour se reposer.

Après 5 jours à se balader à la Réunion, le départ est donné au stade de Hell-Bourg (au centre de l’ile) à 01h00 le 21 octobre 2022. On est 1500 participants dont 90% de Réunionnais. Je suis trop content, nous sommes placés dans le premier sas des 500 premiers. Je me dis que si je reste dans ce sas, on évitera les bouchons.

L’ambiance au départ est très créole et festive. Malgré la nuit et le froid, les spectateurs sont présents et nous applaudissent sur les 5 premiers kilomètres. On rentre rapidement dans la flore indigène du cirque de Salazie et là les choses sérieuses commencent …

Je lâche mon frère dans la première montée vers plaine des merles et colle un groupe de Réunionnais qui monte sans se poser de question. Ça part vite. C’est technique mais je me sens à ma place alors je continue avec eux dans la nuit noire. J’arrive au premier ravito avec 1h00 d’avance sur mes estimations. Je m’alimente rapidement et j’enchaine avec le même groupe le sentier scout. Dommage qu’il fasse nuit car quelques jours avant nous avons survolé ce même sentier en hélicoptère et s’était impressionnant de beauté !

Le jour se lève et la descente sur Mafate continue. J’essaie de courir un maximum en sautant par-dessus les rochers, les racines et les milliers marches Réunionnaises qui jalonnent les sentiers. « Waouh » La vue est quand même mortelle !

On arrive à Aurère pour le 2eme ravito. Ce village de 484 habitants est totalement inaccessible par la route. Il faut 2 à 3h de rando pour se rendre à la ville la plus proche. Ici pas de secours sauf en hélicoptère. C’est surprenant, c’est à cet endroit que le ravito était le plus sympa. Il y avait un groupe de musique, des repas chauds faits par des mamas créoles et plein de locaux pour nous encourager.

Je poursuis avec un autre groupe la descente jusqu’à la rivière de galets en bas de Mafate. J’ai 2h00 d’avance sur mes estimations. J’appelle Mag pour donner des nouvelles et savoir ou est mon frère. Il est 2h00 derrière. Pas peu fier, je me dis que j’ai assez d’avance pour lever le pied et continuer tranquille dans Mafate vers Deux Bras. Une grande montée pour sortir de Mafate m’attend et il parait que ce n’est pas de la tarte.

Bon, la redoutée montée de Dos d’Ane, c’est 600 D+ en 5 km avec des rochers, des échelles, des chaines et tout le tralala. L’entrainement RAID avec le SLRA m’a bien aidé à venir à bout de cette épreuve.

Arrivé à l’intersection de Ratinaud, on se retrouve sur une route. Je me dit que c’est cool, je vais pouvoir courir jusqu’à la Possession et tout ira bien. Les organisateurs en ont décidé autrement ! Ils veulent nous faire passer par le sentier que j’ai trouvé le plus FOU de l’ile ; le sentier Kalla. L’enfer sur terre ! Impossible de courir là-dedans. C’est la jungle. La végétation est oppressante et omniprésente. Les arbres sont polis par le passage des trailers qui prennent leurs appuis au même endroit. Les rochers font 2 mètres de haut. Ma montre m’indique des pentes à 45%. C’est l’horreur. Ça fait flipper. J’m’en sors mais j’ai puisé dans mes ressources. Il reste 25 km à parcourir jusqu’à la Redoute. Ça va être long.

J’avais dit à Mag que j’arriverai au ravito de la Possession vers 12h30. Je suis arrivé à 10h00. Du coup, personne de la famille pour m’encourager ☹ Mon frère qui est passé à 12h00 a pu les voir, lui.

On quitte la Possession par une portion de plat et on attaque 10km de gros pavés irréguliers du chemin des Anglais. C’est hard🥵! Je suis dans le dur. Je marche. Je n’avance plus. Je connais ces moments difficiles ou je sais que je vais en chier pendant 2 à 3h et que ça va repartir après. Je sers les dents. La pluie commence à tomber. Les pavés sont glissants. Mes chaussures ne sont pas adaptées et je glisse sur chaque pavé. J’en ai marre. Je m’arrête. Je change une chaussette. Je n’ai pas la force de changer la deuxième. Je repars….C’est long. Interminable.

J’arrive au ravito de Grande Chaloupe sur une voie de chemin de fer désinfectée. Je ne sais pas ce que je fou là. Je ne reconnais plus les gars avec qui je courais dans Mafate. Ils m’ont distancé dans le chemin des Anglais.

Il me reste une montée 800D+ vers le Colorado et une descente 800D- sur la Redoute. Je repars seul du ravito. Encore des pavés dans la montée. J’en peux plus de ces pavés glissants.

Heureusement, on arrive sur des portions de terre battue rouge assez vite. Je commence à me refaire la cerise. Les sensations reviennent au ravito du Colorado. Je recours. Je rejoins 2 filles dans la descente. Le terrain est facile. Je vois une pancarte « La Redoute 3,5 km ». Je suis trop content. Je vais avaler ça en 30 min. Désillusion ! Le balisage nous emmène sur un petit sentier parallèle taillé à la serpette. C’est technique. Faut mettre les mains pour descendre dans les rochers. Après 1h de descente, j’entends le speaker et vois le stade de la Redoute. Ca sent bon la fin. Des spectateurs remontent à contre sens en tong pour nous encourager. C’est assez dangereux mais c’est le Grand Raid.

J’enfile le maillot du Grand Raid pour passer la ligne d’arrivée. Je rentre dans le mythique et vieux stade de la Redoute. Le stade est blindé demonde. Mag et Papa m’attendent à l’arrivée.

Je lève le bras et passe la ligne d'arrivée.

J’ai réussi !